Démontage d'un Zorki 1

Le Zorki, qui a pris ensuite l'appelation Zorki 1 lors de la sortie du Zorki 2, est une copie quasi conforme du Leica II d'Oscar Barnack. En ce sens il est historiquement très intéressant à démonter car très proche du premier appareil photo pour films 35 mm, le Leica I. Par rapport au Leica I, le II gagne un télémètre de mise au point, un cadre de visée intégré au télémètre et une monture d'objectifs interchangeables (la fameuse monture 39 mm à vis, toujours utilisable sur les Leica M, Voigtländer Bessa R et Zeiss Icon, moyennant une bague d'adaptation M/39).
Le Leica était un appareil révolutionnaire à sa sortie. Aujourd'hui il est toujours fréquemment utilisé, que ce soit le Leica II, III (avec vitesses lentes en plus) ou ses copies FED, Zorki et consorts. Sa compacité et sa simplicité en font un outil remarquable à utiliser et à entretenir.
Il est de bon ton de noter que la copie n'était pas une spécialité soviétique, les ténors du monde photographique d'aujourd'hui (Canon et Minolta par exemple) ayant aussi commencé leur business en copiant le Leica II (voir les Canon S et Minolta 35), et en faisant évoluer ces copies avec le succès que l'on sait.

Je présenterai ici un démontage basique visant à nettoyer et lubrifier les mécanismes courants, améliorer l'avance du film et faire les réglages optiques de base.
L'obturateur a été ultérieurement démonté afin de recoller une bande de rideau qui s'était rompue au niveau de la bordure métallique du premier rideau.

Le démontage est très simple. Nous commençons par le capot du télémètre, tenu par une vis en façade (qui cache également la vis de réglage du télémètre), une vis en face arrière, les quatre "hublots" du télémètre et du viseur et les trois vis de la griffe d'accessoires. Il faut également dévisser la molette de sélection des vitesses. Ce capot donne accès au télémètre et au mécanisme de sélection des vitesses.
Pour retirer le bloc mécanique, il faut démonter la monture d'objectif. La monture est tenue par quatre vis, prises dans une contre-plaque à l'intérieur du boîtier. Entre la monture et le boîtier, se trouvent des cales en papier épais, qui servent à régler la distance monture-plan du film (nous le verrons plus loin en détail).

Toutes les vis sont classées sur une feuille avec leur nom et leur position.
On aperçoit ici le capot du télémètre, la bague de monture d'objectif et ses cales en carton rigide, et une partie de la visserie du boîtier.




Le boîtier sans les pièces visibles sur la photo précédente.




On peut maintenant séparer le bloc mécanique du corps de l'appareil en l'extrayant par le dessus, tout simplement.




Vue d'ensemble du chantier...




Voici le bloc mécanique. C'est ici que tout se passe: avance du film, armement, réglage des vitesses, obturation, visée et réglage télémétrique.
En haut, l'ensemble du télémètre. Le télémètre est contrôlé par la petite came qu'on aperçoit juste au dessus de la fenêtre d'exposition. L'objectif est muni d'un tambour hélicoïdal qui appuie plus ou moins sur cette came lorsqu'on fait le point. Il va de soit que le télémètre doit être réglé très minutieusement par rapport à l'objectif.
A gauche, la molette d'avancement du film qui sert également à l'armement de l'obturateur, la transmission se fait par pignons.
Le gros tambour sert au stockage des rideaux d'obturateur quand on arme : à l'extérieur (les deux bandes en haut et en bas du tambour), le premier rideau, celui qui part en premier; au milieu (entre les bandes du premier rideau donc), le deuxième rideau qui part en deuxième  position et ferme l'obturateur.
A droite de la fenêtre d'exposition se trouvent les deux cylindres récepteurs des rideaux. Ce sont eux qui, montés sur ressort, "tirent" sur les rideaux au déclenchement. En dessous du bloc, peu visibles ici, on trouve deux molettes crantées verrouillées chacune par une vis, qui permettent de tendre plus ou moins ces ressorts.




Autre vue: à gauche, le corps de l'appareil, qui n'est qu'une boîte. Le chargement de l'appareil se fait donc par la semelle, en retirant la bobine réceptrice pour y crocher le film dessus.
Sur cet appareil, la bobine réceptrice provenait d'un Zorki 4. Pas adaptée à l'axe, son insertion et extraction dans l'appareil était très difficile. Il a fallu la rectifier légèrement : réduire sa hauteur d'un demi-millimètre et limer des têtes de rivets à l'intérieur du tube, qui frottaient sur l'axe.
De même, le capot autour de la molette de rembobinage était légèrement déformé, seul un examen minutieux permettait de le voir mais il y avait beaucoup de frottements dans la cartouche de la pellicule (allant jusqu'à la casse de perforations). J'ai donc redressé le capot à l'aide d'un marteau de vitrier et d'une cale en bois tendre.
Dernière opération, le ressort du bouton de déclencheur (la lame sous le corps de l'appareil, visible sur la photo précédente) a été légèrement molli pour rendre le déclenchement plus doux.




Après nettoyage, les mécanismes sont remontés dans le corps de l'appareil. Le capot du télémètre n'a pas été remis en place. De gauche à droite, la molette de rembobinage, le télémètre (avec deux viseurs: tube de gauche le télémètre, tube de droite le cadrage), l'axe du tambour de rideaux avec les crans de sélection des vitesses (trous réguliers sur le disque en laiton), et juste en dessous, le croissant de libération du deuxième rideau. Lorsque le premier rideau se déroule (et ouvre l'obturateur), cet axe tourne et fait tourner avec lui un petit ergot qui pousse ce levier en forme de croissant, ce qui libère le deuxième rideau. C'est ainsi qu'on sélectionne la vitesse d'obturation: en fonction de la position de cet ergot, modifiée avec la molette des vitesses, le croissant sera actionné plus ou moins tôt donc le deuxième rideau sera libéré plus ou moins vite: à l'arrivée du premier rideau (fenêtre entièrement ouverte, vitesse 1/20 qui correspond à la vitesse de synchro flash) ou bien plus tôt (juste après le départ du premier rideau, vitesse de 1/500).
On trouve ensuite le bouton du déclencheur avec au dessus le levier de débrayage pour le rembobinage; enfin, la molette d'avancement/armement entourée de la couronne de comptage des vues.




Réglage de la distance monture-plan du film. Cette distance, sur les appareils à monture Leica 39 mm à vis, doit être de 28,8 mm +/- 0.01 mm, elle se mesure avec un film d'essai chargé, obturateur ouvert. Le réglage s'effectue simplement en ajoûtant ou retirant des cales en papier ou carton fin, selon l'épaisseur à corriger.
Dans le cas de notre Zorki, la distance était inférieure de 0,4 mm à ce qu'elle devait être. J'ai donc choisi un carton de type Canson, grammage inconnu mais dont l'épaisseur correspond à l'écart mesuré. La couleur est une chose totalement subjective, j'aime bien le bleu. De toutes façons, les cales sont invisibles.
On découpe donc la cale aux formes de la monture, je recommande d'utiliser la monture plutôt que les cales existantes pour éviter de les abîmer.

Découpage d'une cale


On monte ensuite la cale avec les précédentes...

Montage de la cale


Dernière étape, on perce les trous pour les vis à l'aide d'un tournevis. Une méthode plus propre serait de percer à l'emporte-pièce mais ma boîte à outils n'en est pas encore pourvue.

Perçage des trous de vis


Fin du remontage... Les oeilletons de télémètre sont en cours de nettoyage.




J'ai ensuite reréglé le télémètre puisque la distance objectif-came du télémètre a augmenté de 0,4 mm à cause de la nouvelle cale. Le réglage du télémètre se fait en deux étapes:
- tout d'abord viser l'"infini" (un point à une distance supérieure à 20 m) et positionner l'objectif sur l'infini. On peut maintenant faire tourner la vis de réglage qui se trouve en façade, de façon à superposer les deux images du télémètre.
- placer l'appareil sur un pied, à une distance d'un mètre d'une mire verticale. La distance se prend entre la mire et le film de test, il est donc nécessaire d'ouvrir l'obturateur (pose B). Faire la mise au point avec le télémètre, la distance affichée sur la bague de mise au point de l'objectif doit être de 1 mètre. Si cette distance est incorrecte, il faut régler la came du télémètre en la faisant légèrement pivoter sur son axe.
- recommencer les deux étapes précédentes jusqu'à ce que ça soit correct...


Et voici l'appareil remonté. Il est maintenant bien plus doux à l'usage, sans pour autant atteindre la douceur de son grand-frère le Zorki 4 (visible à gauche sur la photo).
Vous pouvez voir la différence de gabarit entre les deux modèles; le Zorki 4 a grossi pour y caser les vitesses lentes, un retardateur et un cadre de visée/télémètre intégré. Le Zorki 4 paraît d'un confort inouï lorsqu'on l'utilise après le Zorki 1, pourtant je me souviens de mes premiers balbutiements avec ce télémétrique, qui, lorsqu'on n'a pratiqué que le reflex (moderne ou classique), est particulièrement déroutant.





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